Le département des arts de l’Académie tunisienne des sciences, des lettres et des arts, Beit el Hikma, a organisé le jeudi 26 mai 2022, une rencontre sur le minaret de la Mosquée Zitouna.
Les intervenants, le Pr Samir TRIKI, artiste plasticien et Professeur d’arts plastiques à l’Institut Supérieur des Beaux-arts de Tunis., et la Pre Sihem Lamine, la responsable administrative et de programme du bureau de Tunis du Centre d’études sur le Moyen-Orient de l’Université de Harvard (Harvard CMES), ont essayé de remonter le temps afin d’esquisser les premiers états qu’aurait connu cet élément de la Mosquée Zitouna.
Contrairement aux minarets des réalisations architecturales religieuses des premiers siècles de l’Islam en Tunisie, à l’instar de Kairouan et Sfax, le minaret de la Zitouna semble échapper à l’histoire de cette mosquée, fondée au 8ème siècle, en exhibant un modèle assez récent et ancré dans l’époque moderne.
Le minaret, de style almohade (style hispano-maghrébin des 11ème, 12ème, et 13ème siècles), n’est ajouté qu’en 1894, par les architectes Tahar Ben Saber et Sliman Ennigrou. Il remplace celui construit sous Hammouda Pacha en 1652. Il fut financé par l’administration des Habous.
De forme carrée, à l’angle nord-ouest de la cour, haut de 43 mètres, surmonté d’un édicule coiffé d’un toit pyramidal et d’une sphère, le minaret reprend la décoration du minaret almohade de la mosquée de la Kasbah, faite d’entrelacs en calcaire sur un fond en grès ocre. Il est ajouré à sa base et à son sommet par des fenêtres à arcs en plein cintre, qui donnent sur des pièces réservées au Muezzin pour les appels à la prière. Son décor extérieur est très riche, il est constitué de motifs géométriques (l’Islam proscrivant la représentation humaine).
Entre 1960 et 1990, le minaret de la Zitouna fera l’objet de grands travaux de restauration et de remise en état. Il demeure une référence spirituelle pour les fidèles, mais aussi, un point de repère géographique pour les visiteurs de la vieille ville.
Biographie du Pr Samir TRIKI :
Artiste plasticien. Professeur d’arts plastiques à l’Institut Supérieur des Beaux-arts de Tunis. Université de Tunis (1982-2016). Membre du Conseil scientifique de l’Académie Tunisienne des Lettres, des Sciences et des Arts ; Beit al-Hikma à Carthage.
Titulaire du Diplôme de professorat d’enseignement artistique de l’Institut Technologique, d’Art d’Architecture et d’Urbanisme de Tunis (1976). Dela Maîtrise spécialisée en Esthétique de l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne (1977). Du Diplôme d’Etudes Approfondies (D.E.A) de l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne (1978). Du Doctorat de 3ème cycle en Esthétique et Sciences de l’art de l’Université de Paris I Panthéon Sorbonne (1982) et de l’Habilitation universitaire en Sciences et Techniques des arts de l’Université des Lettres, des Arts et des Sciences Humaines Tunis I (1999).
Abstract :
Contrairement aux minarets des réalisations architecturales religieuses des premiers siècles de l’Islam en Tunisie à l’instar de Kairouan et Sfax, le minaret de la Zaytouna semble échapper à l’histoire de cette mosquée en exhibant un modèle assez récent et ancré dans l’époque moderne.
Nous tenterons dans cette communication de remonter le temps et d’essayer d’esquisser les premiers états qu’aurait connus cet élément lors des premiers développements de la mosquée à partir de sa fondation au VIIIème siècle.
Biographie du Pre Sihem Lamine :
Est la responsable administrative et de programme du bureau de Tunis du Centre d’études sur le Moyen-Orient de l’Université de Harvard. Elle gère la branche d’outre-mer de Harvard CMES à Tunis et coordonne les programmes universitaires pour les étudiants et professeurs de Harvard ayant un intérêt pour la région depuis décembre 2016.
Avant son rôle à Harvard CMES Tunisie, elle a travaillé comme architecte pendant plus de quinze ans, d’abord dans un cabinet d’architecture flottante : Seine-Design-Paris (2002-2005), puis comme associée, avec Jean Baptiste Barache, d’un studio d’architecture : Arba-Paris (2006-2017).
Sihem Lamine est titulaire d’un diplôme d’architecture de l’École Spéciale d’Architecture, Paris (2002), et d’un master en histoire de l’architecture islamique de la School of Oriental and African Studies, Université de Londres (2012). Ses recherches portent sur l’histoire urbaine de la ville de Tunis, la mosquée Zaytuna comme exemple singulier de l’architecture islamique au Maghreb, et les politiques et pratiques de préservation du patrimoine. Elle a récemment publié ” Colonial Zaytuna : The Making of a Minaret in French-Occupied Tunisia”, un article paru dans Muqarnas: Revue annuelle sur les cultures du monde islamique parrainée par le programme Aga Khan de l’université de Harvard (2021).
Abstract :
Le 12 mars 1892, onze ans après l’établissement officiel du protectorat français en Tunisie, une congrégation d’oulémas, savants et étudiants zaytouniens, ainsi que le président et quelques représentants de l’administration des Habous (Jamʿiyyat al-Awqaf) se sont réunis dans le Sahn de la mosquée Zaytouna pour la cérémonie de pose de la première pierre d’un nouveau minaret.
Le minaret préexistant dont les dernières rénovations majeures dataient de l’époque Ottomane Mouradide fut classé édifice menaçant ruine, entièrement démoli et remplacé par une réplique monumentale du minaret Hafside de la mosquée de la Kasbah de Tunis.
Entre 1892 et 1895, la construction du nouveau minaret de la Zaytouna se passe en concomitance avec de celle de la cathédrale Saint-Vincent-de-Paul de Tunis et des quartiers français naissants le long et à l’extérieur des murs de la ville.
Sihem Lamine explore le contexte complexe et fascinant du remplacement du minaret de la grande mosquée de Tunis, ville occupée en voie de rompre les liens avec son passé ottoman et de se soumettre progressivement à la domination coloniale nouvellement établie. Elle interroge le rôle et les aspirations de l’administration française dans le projet du minaret et les raisons qui ont conduit à la réapparition du style architectural Almohade dans l’architecture religieuse de la fin du XIXe siècle à Tunis et dans le Maghreb.